Le maire de Vendargues n'aime plus
qu'on rappelle son passÉ judiciaire

Peu après la création de ce site en 2003 sous l'appellation « Le petit Vendarguois », j'avais constitué un dossier sur la condamnation pénale du maire de Vendargues par la Cour d'appel de Montpellier, le 8 octobre 2002, pour corruption passive, trafic d'influence passif et recel d'abus de biens sociaux, dans une affaire concernant des « emplois fictifs » (le terme « emploi ficitf » figure en page 15, second paragraphe, de l'arrêt de la Cour d'appel) du maire nouvellement élu de Vendargues dans des sociétés de la famille Pérez et des marchés passés avec des sociétés du groupe Pérez de manière irrégulière et ayant donné lieu à des surfacturations au détriment de la commune dans les années 1990-92 (c'est en mars 1989 qu'il avait été élu pour la première fois). Dans ce dossier, publié en 2004, après donc que la condamnation soit devenue définitive fin 2002, je rappelais la chronologie de cette affaire, révélée au public lors de la campagne des élections municipales de 1995 par l'ancien adjoint à l'urbanisme du maire, et l'illustrais par divers tracts sortis à l'époque par le maire et son ancien adjoint devenu opposant politique et candidat contre lui, par des coupures de journaux, et surtout par la reproduction intégrale de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, pour qu'on ne puisse pas m'accuser de déformer la vérité et pour que les Vendarguois aient accès à la version « officielle » de l'affaire telle que relatée par les magistrats à partir des éléments de l'enquête.

Comme je l'expliquais dans l'introduction de ce dossier, la loi ne rend pas automatique l'inéligibilité d'un élu condamné pour des faits pénalement répréhensibles comme la corruption et le trafic d'influence, commis dans le cadre de ses fonctions d'élu (alors même qu'un maire devient de par sa fonction officier de police judiciaire et que, pour tout autre personne voulant accéder à une profession, commissaire de police par exemple, qui en fait un officier de police judiciaire, on exige un casier judiciaire vierge, ce qui est la moindre des choses) et les électeurs peuvent donc réélire, s'ils le souhaitent, un élu corrompu. Mais pour que ce choix soit vraiment un choix délibéré, encore faut-il qu'ils en soient informés, pour pouvoir choisir en connaissance de cause, et qu'ils aient donc accès à des éléments incontestables et pas seulement aux ragots et autres bruits de caniveau, et ce, aussi longtemps que l'élu continue à exercer son mandat et à briguer leur suffrage : si en effet un élu peut, sans limite de temps, faire valoir les éléments positifs de ses bilans antérieurs, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse, sans limite de temps non plus, rappeler à ses électeurs les points noirs de son passé d'élu et ses turpitudes dans ses mandats antérieurs, à charge pour eux de peser le pour et le contre.

Pendant des années, le maire de Vendargues, qui n'ignorait pas l'existence de ce site et du dossier concernant cette affaire, a toléré cette publication. Mais, vers la fin 2010, briguant un poste de conseiller général aux élections cantonales de mars 2011, il a soudain pris offense de cette publication, sans doute après avoir constaté que la première page qu'affichait Google lorsqu'on faisait une recherche sur son nom était la page de ce site rappelant sa condamnation !

Aussi, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 novembre 2010 envoyée à sa demande par son avocat (voir copie de cette lettre, au format pdf, en cliquant ici), il m'a mis en demeure de supprimer cette page de mon site sous 48 heures, la même mise en demeure étant parallèlement adressée à Free, l'hébergeur de ce site. L'argument utilisé était que ma page constituait un « traitement de données à caractère personnel relatif aux infractions, condamnations et mesures de sûreté » réservé, aux termes de la loi Informatique et libertés, à un nombre limité d'administrations et d'auxiliaires de justice dont je ne faisais pas partie, ou à des personnes autorisés par la CNIL, ce qui n'était pas mon cas. On me reprochait en outre de ne pas avoir informé le maire (qui savait depuis 6 ans que cette page existait et n'avait jusque là pas éprouvé le besoin de s'y opposer) du fait que je procédais « à des traitements de données à caractère personnel » pour lui permettre d'exercer son droit d'opposition.

Ces arguments me paraissaient fallacieux car, si la loi devait effectivement s'interpréter ainsi, plus un journal, non seulement en version Internet, mais encore en version papier, puisque, de nos jours, toute la publication papier se fait au départ sur informatique et constitue donc des traitements de données, ne pourrait faire état d'une condamnation pénale ! Mais le délai était court et j'avais peur que, si je n'obtempérais pas, Free ferme tout mon site. C'est pourquoi j'ai obéi à l'injonction et supprimé la page en cause (voir copie de ma réponse, au format pdf, en cliquant ici). Mais, ceci fait, je n'en suis pas resté là et j'ai fait des recherches de jurisprudence, en particulier dans les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) autour des questions relatives à la protection du droit constitutionnellement garanti à la liberté d'expression (article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, qui sert de préambule à la Constitution et énonce que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » et article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui précise en particulier que « toute personne a droit à la liberté d'expression » et que « ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques »), par rapport auquel même des lois françaises peuvent être contestées devant la CEDH si elles sont jugées trop restrictives de cette liberté fondamentale. Puis, à la lumière de ces recherche, j'ai adressé, le 10 novembre 2010, une lettre à la CNIL pour savoir si la mise en demeure était fondée (voir copie de ce courrier, au format pdf, en cliquant ici). La CNIL a accusé réception de cette lettre par courrier en date du 16 novembre 2010 en m'informant qu'elle l'enregistrait en tant que plainte (dossier 10027296), m'avertissant que « les délais de traitement peuvent parfois être importants » (voir copie de la réponse de la CNIL, au format pdf, en cliquant ici). Et de fait, le temps a passé sans que je reçoive de nouvelles de la CNIL.

C'est une nouvelle page de mon site, publiée le 14 décembre 2011, qui a réactivé toute cette affaire. Cette page rendait compte du conseil municipal de la veille, 13 décembre 2011, au début duquel le maire avait annoncé le décès d'un ancien conseiller municipal de sa première équipe, François BRO. Dans le commentaire que je faisais de cette annonce, je faisais remarquer que le maire avait soigneusement omis de rappeler que François BRO avait démissioné en cours de mandat et s'était, en 1995, présenté contre lui sur la liste que je menais alors, rappelant que ces élections municipales avaient été celles où avait éclaté au grand jour l'affaire qui lui avait valu « une condamnation pour trafic d'influence passif, corruption passive et recel d'abus de biens sociaux par arrrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 8 octobre 2002 ». Un mois plus tard, le 19 janvier 2012, je recevais une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception de l'avocat du maire qui, dans des termes à peu près identiques à la mise en demeure de novembre 2010 et sur les mêmes fondements, me mettait en demeure de supprimer cette page sous deux jours (voir copie de ce courrier, au format pdf, en cliquant ici).

J'ai aussitôt pris contact téléphoniquement avec la CNIL pour savoir où en était ma plainte, et l'interlocuteur en charge de celle-ci, avec lequel j'ai été mis en relation, m'a informé qu'il existait une jurisprudence « qui indique sans ambiguïté que l'évocation, dans un article diffusé en ligne, d'une condamnation pénale ne constitue pas un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à des infractions et condamnations, au sens de l'article 226‐19 du Code pénal », ce qu'il m'a confirmé par mail à ma demande dès le lendemain (voir copie de ce mail au format pdf en cliquant ici) en insérant dans son mail l'extrait pertinent d'une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris en date du 28 mai 2010, dans une affaire en tout point similaire à la mienne, concernant la mention sur une page web de condamnations pénales d'un huissier, qui dit que :
« L'article litigieux, initialement publié le 13 novembre 2008, rend compte de la comparution devant le tribunal correctionnel de BOURGES de "Josette BOULANT. ex-huissier à LA GUERCHE-SUR-L'AUTHOIS", poursuivie pour des faits d'abus de confiance, et rappelle une précédente condamnation qui lui avait été infligée en janvier 2000 "à un an de prison avec sursis pour abus de confiance aggravé, faux et usage de faux".
Si est ainsi évoquée une (et non deux) condamnation pénale prononcée contre une personne dénommée, la simple mise en ligne d'un texte mentionnant la dite condamnation ne saurait constituer la mise ou conservation en mémoire informatisée alléguée, laquelle suppose la constitution d'un fichier et est par nature clandestine. »
Il ressort clairement de ces quelques lignes que pour le juge des référés une page web ne constitue pas un « fichier » au sens de la loi, c'est-à-dire une collection de « fiches » structurées de manière similaire permettant de faire des recherches par critères au milieu de cet ensemble à l'aide de programmes spécifiques (même si les moteurs de recherche en ligne permettent des recherches sur toutes les pages du web). Ce que la loi prohibe, c'est, par exemple, le fait pour un employeur de prévoir des zones dans son fichier du personnel pour enregistrer d'éventuelles condamnations pénales de ses salariés, ou pour un bailleur social de faire la même chose dans le fichier de ses locataires, mais elle n'a jamais voulu empêcher les journalistes et bloggeurs d'informer leurs lecteurs de condamnations pénales de personnes en vue, et en particulier des personnes « publiques » que sont les élus, surtout lorsque les condamnations portent sur des faits liés à leurs mandats électifs.

C'est d'ailleurs ce qui ressort clairement de l'ensemble de l'ordonnance de référé citée par la CNIL, dont on trouvera le texte complet (format pdf) en cliquant ici. On y voit que ce qui est en jeu, c'est bel et bien « la liberté d'expression qui [...] est reconnue par la Constitution (article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) comme par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (avant dernier paragraphe de la page 4), droit « constitutionnellement et conventionnellement garanti », au contraire du droit d'opposition à des traitements de données personnelles. Et si le juge admet que cette liberté n'est pas sans limites, comme le précise l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, il renvoie, pour le cas d'espèce, en tous points similaire au mien (mise en ligne d'une page web faisant état nominativement d'une condamnation pénale), à la question de savoir si « la légitimité du droit d'opposition serait susceptible de résulter du fait que le traitement de données à caractère personnel aboutirait à la commission d'une infraction de presse », c'est-à-dire violerait la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, qui réprime en particulier la diffamation. En d'autres termes, si le maire de Vendargues veut me faire retirer la page qui l'indispose, c'est une action en diffamation qu'il doit engager. Mais s'il ne l'a pas fait et ne le fera pas, c'est qu'il sait que cette action serait perdue d'avance car, si de fait dire de quelqu'un qu'il a été condamné pour corruption passive, trafic d'influence passif et recel d'abus de biens sociaux est bel et bien diffamatoire, c'est-à-dire attentatoire à son honneur et à sa considération, la loi prévoit que l'auteur des propos diffamatoires ne peut être condamné s'il peut faire jouer en sa faveur l'« exception de vérité » prévue par l'article 35 de la loi sur la liberté de la presse, c'est-à-dire dispose (et disposait avant la publication des propos diffamatoires) de preuves de la véracité de ce qu'il affirme, ce qui est le cas ici, puisque j'ai en main depuis des années une copie de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier qui a définitivement condamné le maire de Vendargues et que ce dernier ne peut l'ignorer puisque je l'avais mise en ligne dès 2004 et que le maire m'a mis en demeure en novembre 2010 par la voix de son avocat de la retirer.

Dans ces conditions, non seulement je maintiens la page qui a occasionné cette seconde mise en demeure, le procès-verbal du conseil municipal du 13 décembre 2011 avec mes commentaires sur son annonce du décès de François BRO, mais je remets en ligne le dossier sur sa condamnation qu'il m'avait fait supprimer fin 2010, y compris la copie intégrale de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, car, si la CNIL confirme que l'on peut évoquer une condamnation pénale dans une page web, ce serait un comble qu'on ne puisse pas aussi, pour éviter le reproche de déformation des faits et prouver ce qu'on avance, publier le document public (les jugements et arrêts sont publics en France et il suffit de s'adresser au greffe du tribunal ou de la Cour, comme je l'ai fait à l'époque, pour obtenir une copie ne n'importe quel jugement, et pas seulement de ceux vous concernant) le moins contestable de tous, celui qui relate les faits à partir des résultats de l'instruction, donne le point de vue des magistrats sur l'affaire et dans lequel ils argumentent leur décision, et constitue donc l'« évocation » la plus objective que l'on puisse faire.

Mais qu'il soit bien clair que, ce faisant, je ne poursuis pas une querelle de personnes, mais un combat pour la moralisation de la vie politique en France. Je trouve en effet scandaleux qu'en France, un élu qui a été pénalement condamné pour des faits comme la corruption, le trafic d'influence, le détournement de fonds publics, l'abus de confiance, la prise illégale d'intérêts (ces trois derniers motifs sont ceux pour lesquels Jacques Chirac a été condamné le 15 décembre 2011 pour une affaire d'emplois de complaisance à la Ville de Paris antérieure à son élection comme président de la République), etc. liés à un de ses mandats ne devienne pas automatiquement inéligible à vie par des provisions du Code électoral analogues à celles qui, dans d'autres codes ou lois, interdisent par exemple à une personne de postuler pour un emploi qui confère le titre d'officier de police judiciaire si elle n'a pas un casier judiciaire vierge (il ne s'agirait ainsi pas d'une peine susceptible d'être prononcée par un juge au cas par cas, mais d'une disposition légale similaire à celle prévue à l'article L. 45 du Code électoral qui dit que « nul ne peut être élu s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par le code du service national »). L'exercice de mandats électifs publics n'est pas, ou ne devrait pas être, un métier, mais un service à la collectivité et un honneur dont il faut se montrer digne en étant plus respectueux des lois encore que les simples citoyens, puisque l'on est de ceux qui les votent ou sont chargés de les faire appliquer, et ce n'est pas priver une personne de la possibilité de vivre dignement que de lui interdire de briguer des mandats électifs lorsqu'elle a fauté dans l'exercice de précédents mandats. Le droit à l'oubli ne peut pas être le même pour un simple citoyen à qui il faut laisser une chance de se racheter et de pouvoir recommencer à gagner sa vie après une condamnation et pour un élu qui a abusé de ses mandats électifs. On peut vivre, et bien vivre, sans briguer de mandats électifs. Si l'on veut redonner aux Français, et aux jeunes en particulier, de l'intérêt pour l'action politique et mettre un terme à la réputation de « tous pourris » que trop de nos concitoyens attachent aux politiciens de tous bords, la première chose à faire est de fermer définitivement l'accès à des mandats électifs à ceux que l'on a réussi à prendre la main dans le sac ! Et, en attendant que la loi rende cela obligatoire (on peut toujours rêver !...), tant que ceux qui ont été condamnés peuvent conserver leurs mandats et même se représenter à de nouveaux mandats, il faut qu'aussi longtemps qu'ils sont en place et briguent des mandats, on puisse dresser un panorama complet de leur action publique, y compris de leurs turpitudes passées, en faisant état des condamnations qui les ont frappés pour des faits liés à leurs mandats passés, et ce, sans limite de temps autre que la fin de leur carrière politique par leur abandon de tout mandat électif. Après tout, ces faits ne sont pas de l'ordre de la vie privée, mais de l'Histoire... Et la condamnation du maire de Vendargues pour des faits liés à son mandat de maire fait partie de l'Histoire de Vendargues. Or, quand on parle d'Histoire, qu'elle soit grande ou petite, le devoir de mémoire prime sur le droit à l'oubli !

Et c'est pour bien montrer que ce n'est pas la personne, mais la fonction qui m'importe, que je n'ai pas mentionné une seule fois le nom du maire condamné de Vendargues dans cette page !


Le site de Bernard SUZANNE, ancien conseiller municipal de VENDARGUES (Hérault)
Accueil - Actualité - Dossiers - Documents - PV des CM - Aide
Liens utiles - Qui suis-je - Me contacter
Dernière mise à jour le 8 février 2012