Deux poids, deux mesures ?

ou comment, pour le maire, la création d'un parking
est tantôt un motif valide de préemption,
tantôt pas

Les données brutes

Extrait de l'article « Point sur le projet immobilier rue Berthézène » paru en page 6 du n° 42 du bulletin municipal « Au Fil des Pages » de novembre 2005 (reproduction intégrale de l'arrticle accessible en cliquant ici ou sur son titre en orange ci-dessus) :

Extrait de l'annexe à la décision municipale de préemption n° 07/2003 du 22 avril 2003 « Cadre de vie et développement durable - Amélioration du centre urbain », page 2 (reproduction intégrale de la décision et de son annexe en cliquant ici ou sur son titre en orange ci-dessus) :

Commentaires

Dans le premier texte reproduit, le maire, à propos du projet de la rue Berthézène, déclare que « la création d'un parking ne peut être retenue comme opération d'intérêt général » apte à motiver l'usage de son droit de préemption urbain (D.P.U.). Pourtant, c'est précisément le motif qu'il avait utilisé en avril 2003 pour justifier de l'exercice de son droit de préemption sur le terrain sis 25 rue de la Fontaine à Vendargues, comme le montre l'extrait reproduit du dossier de deux pages joint en annexe à la décision de préemption n° 07/2003 du 22 avril 2003, qui justifie la préemption de la parcelle cadastrale concernée par le fait qu'« elle présente un intérêt dans le cadre de l'aménagement d'une aire de stationnement en vue de l'amélioration du cadre de vie des habitants » !

Comment expliquer cette contradiction flagrante ?

Faut-il la mettre sur le compte de la précipitation, qui aurait obligé le maire et les services municipaux à sortir en quelques jours une étude d'urbanisme nécessaire pour justifier l'exercice du droit de préemption sur lequel le maire a deux mois pour se prononcer ?

On pourrait pourtant penser que de telles décisions ne sont pas prises au jour le jour au gré des opportunités, mais prennent place dans un cadre d'urbanisme réfléchi à l'avance et prenant en compte les contraintes légales, et que le maire et les services municipaux n'ont pas attendu l'affaire du projet immobilier de la rue Berthézène pour découvrir que « la création d'un parking ne peut être retenue comme opération d'intérêt général » apte à motiver l'usage du droit de préemption urbain.

Mais il faut pourtant reconnaître que c'est bien une impression d'« improvisation » que donne l'étude de deux pages jointe à la décision de préemption lorsqu'on la lit attentivement. En effet, un terrain de 827 m2 (taille du terrain en cause selon le texte de la décision), à raison de 25 m2 par place, accès compris (surface minimum exigée par le POS, article UA12) aurait permis la création d'une trentaine de places tout au plus (l'achat ne s'est finalement pas fait, le propriétaire ayant retiré son bien de la vente). Or l'étude justifie le besoin de ces quelques place de parking supplémentaires « par sa position géographique à proximité de l'Espace Armingué, de l'Espace Fuxa qui sont des salles polyvalentes à vocation culturelle, et des écoles publiques et à proximité immédiate d'une école sous contrat d'association avec l'Etat ». Mais, quand on sait que :

on peut sérieusement mettre en doute le bien-fondé de tels arguments pour justifier le besoin d'un nouveau parking de capacité modeste sur le terrain en cause !

Faut-il alors penser que l'identité du vendeur avait quelque chose à voir avec la décision du maire et la hâte apparente avec laquelle il semble lui avoir cherché des justifications ?

Car le terrain en cause, connu des vieux vendarguois sous le nom de « plan des charettes », appartient à un oncle de Max HERMET, chef de file du groupe minoritaire au conseil municipal, et de son frère Serge HERMET, président du club taurin « La Muleta », qui y organise parfois, pendant la fête votive, des manifestations taurines privées (comme cela se fait dans toutes les manades), pour les adhérents de La Muleta et leurs amis, afin de faire revivre les anciennes traditions du village. Or il se trouve que ces manifestations privées n'ont pas l'heur de plaire au maire, dont les relations avec le club taurin La Muleta sont pour le moins « tendues » depuis quelques années, et qu'il cherche par tous les moyens à les empêcher : il a pris en 2003 et 2004 des arrêtés visant à les interdire et, cela n'ayant pas suffi, n'a pas hésité à porter plainte (encore une fois au frais des contribuables vendarguois) pour tenter, sans succès, de faire condamner leurs organisateurs (comme en attestent la décision municipale n° 01/2004 visant au dépôt d'une plainte consécutive à la manifestation du 23 juillet 2003, et la décision de non-lieu du 11 mai 2005 visant une plainte déposée suite à la manifestation du 22 juillet 2004).

À chacune et à chacun de se faire son opinion !

Une conversation inattendue

En tout cas, pour prendre la décision de préempter la propriété HERMET, le maire n'a pas éprouvé le besoin de demander l'avis du conseil municipal, ni même de consulter préalablement les élus du groupe minoritaire, bien au contraire, puisque la décision a été signée par le maire et enregistrée à la préfecture le même jour, 22 avril 2003, veille d'un conseil municipal, et communiquée au conseil le lendemain 23 avril, par remise en séance d'une copie de cette décision à chaque conseiller puisque, bien évidemment, elle n'avait pu leur être envoyée avec le dossier préparatoire, qui doit leur être envoyé 5 jours avant le conseil (voir procès-verbal du conseil municipal du 23 avril 2003, affaire n° 3).

Par contre, confronté à l'agitation de vendarguois, dont des membres de sa majorité municipale, ayant découvert le projet de la rue Berthézène et lui demandant d'intervenir pour empêcher ce projet, par exemple en exerçant son droit de préemption, le maire n'a pas hésité, du moins si l'on l'en croit, à impliquer largement les conseillers municipaux majoritaires et minoritaires, non pas par un vote ou même une simple consultation informelle en séance publique du conseil municipal, où il aurait risqué d'être mis en minorité, mais par des consultations informelles et parfois individuelles. En effet, contrairement à ce que voudrait suggérer l'article déjà cité du n° 42 de « Au Fil des Pages », aucune discussion sur le projet de la rue Berthézène n'a été inscrite à l'ordre du jour du conseil municipal jusqu'à ce jour (une lecture attentive de l'article montre qu'il y est dit que le maire « en informe sa majorité ainsi que des élus du groupe minoritaire », pas qu'il en informe le conseil municipal en séance plénière ; et de plus, informer est une chose, demander un avis en est une autre).

Ce qui est vrai par contre, c'est que Bernard SUZANNE, l'auteur de ces lignes, a bien reçu, au moment où cette affaire commençait à faire du bruit dans la commune, le 21 ou le 22 juin 2005 (le jour même où était organisée par les opposants au projet une réunion publique à l'espace Armingué II ou la veille de ce jour) un appel téléphonique du maire pour évoquer avec lui ce projet. Mais, à sa grande surprise, car il n'était pas habitué à voir le maire aussi soucieux du respect pointilleux des formes légales, le maire ne l'a interrogé que sur les options légales qui s'offraient à lui en la circonstance : pensait-il que la préemption était possible ? ou le sursis à statuer sur le permis de construire ? Y avait-il des ouvertures dans le POS pour refuser ce permis ? Mais il n'a jamais été question, dans cette conversation téléphonique sans témoins, de point de vue qualitatif, et non plus juridique, sur le projet spécifique, dont d'ailleurs Bernard SUZANNE ne connaissait pas alors les détails (qu'il n'a découvert que le soir ou le lendemain lors de la réunion publique des opposants au projet). C'est donc à tort que l'article de « Au Fil des Pages » dit que « Monsieur Suzanne [a], lors de cette consultation, émis un avis favorable sur ce projet » (notons au passage que l'article ne nous dit rien de l'avis sur le projet des conseillers municipaux du groupe majoritaire, et semble oublier soudain que Mme ÉDOUARD ne fait plus partie du groupe minoritaire depuis le 9 juin 2004, comme cela avait été annoncé dans « Au Fil des Pages » n° 38 de juillet 2004, page 8 : l'« opposition » a bon dos quand on est dans l'embarras). Ce que lui a dit alors Monsieur SUZANNE, et qu'il confirme encore aujourd'hui, c'est qu'effectivement, il lui semblait que, dès lors que le projet respectait le POS, ce dont il ne pouvait juger, ne connaissant pas encore le projet spécifique de Kaufman & Broad, le maire n'avait pas de moyens légaux de s'y opposer. L'exercice du droit de préemption pouvait en effet être attaqué avec succès en tant qu'excès de pouvoir, et aucun des cas très spécifiques prévus pour le sursis à statuer sur le permis de construire n'était applicable en la circonstance.

Si donc le simple fait de dire que, juridiquement, le maire ne dispose d'aucun moyen de s'opposer au projet immobilier en cause veut dire qu'on émet « un avis favorable sur ce projet », alors, le fait pour le maire de ne rien faire pour s'y opposer en reconnaissant qu'il n'a aucun moyen juridique de le faire veut de la même façon dire que le maire a émis « un avis favorable sur ce projet » !

Cette affaire nous aura au moins permis d'apprendre de la plume du maire que « la création d'un parking ne peut être retenue comme opération d'intérêt général » apte à motiver l'usage du droit de préemption urbain. Gageons que M. HERMET, lorsqu'il voulait vendre le plan des charettes, aurait été heureux de le savoir pour ne pas avoir à retirer son bien de la vente pour éviter, pour des raisons qui n'étaient peut-être que sentimentales, mais qui ne regardent que lui, qu'il ne finisse en parking.


Le site de Bernard SUZANNE, ancien conseiller municipal de VENDARGUES (Hérault)
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Dernière mise à jour le 6 novembre 2010